• Chapitre 4

    Nathan avait étonnamment bien dormi malgré le bruit incessant de la nuit. Il se redressa et resta assis sur le bord du lit. Il se frotta les yeux tout en bayant et en s’étirant. Il prit enfin le temps d’observer la chambre qui la vielle, ne l’avait pas du tout intéressé. C’était une toute petite pièce très mal insonorisée et il pouvait le dire car à l’instant, il venait d’entendre son voisin se soulager d’un pet sonore. Dans un coin, il y avait bien sûr un lit avec depuis hier soir une latte cassée. En face du lit, dans un autre coin, une armoire en bois massif et au milieu de la pièce, trônait une petite table avec une seule chaise et c’était tout, plutôt sommaire. Mais Nathan fit le même constat que le premier jour, tout était propre. Les sols brillaient presque, les draps avec une odeur très forte mais agréable de lessive et le plafond était immaculé de toute toile d’araignée.

    Il décida enfin de regarder sa montre, onze heures. Heureusement qu’il avait pris la décision de placer une semaine de vacances pour pouvoir se reposer et prendre ses marques. Perdu dans ses pensées, il fut interrompu par son ventre qui allait beaucoup mieux et qui maintenant, réclamait à manger. Il fouilla dans sa valise pour trouver de quoi se changer ainsi que son savon et son linge. Il quitta la chambre pour aller dans les douches communes qui se trouvaient au même étage que lui, il avait juste à aller tout droit. Elles étaient assez spacieuses et comme tout le reste, simples mais propres. Il poussa un petit cri incontrôlé quand l'eau gelée lui coula dessus. Il attendit quelques instants mais rien à faire, elle restait froide. Après avoir pris son courage à deux mains et s’être lavé, il se rendit à l’accueil où il trouva la mamie de la veille.

    -Te voilà, tu as bien dormi ?

    -Comme un bébé je dois dire.

    Le ventre de Nathan se fit à nouveau entendre :

    -Madame, savez-vous où je peux me trouver à manger ?

    Elle rigola :

    -Tu sors et tu choisis, les restaurants c’est pas ce qui manque ici . Viande, poisson, nouille, nourriture végétarienne, tu trouvas à coup sûr ton bonheur.

    Il la remercia d’une petite courbette et tourna les talons. Une fois à l’extérieur, il nota que plus rien n'avait à voir avec la veille. En journée, ce quartier redevait calme, enfin presque . Il y avait surtout une partie des ivrognes qui avaient fini par rentrer chez eux ou dans leur hôtel pour dessaouler. À Khao San Road il y avait principalement des touristes, des baroudeurs venus loger dans des hébergements bon marché ou pour faire du shopping à bas prix , boire à n’en plus pouvoir et pour certains, payer les services d’une jolie femme.

    Nathan s’engagea sur le chemin pavé, il jetait de brefs coups d’œil aux restaurants, il y avait tellement de choix qu’il ne savait plus ou donner de la tête. Et d’un coup, au bout de la rue, il y vit une énorme enseigne Burger King. Ça n’était pas très local, mais il se dit que l’adaptation au pays commencerait plus tard. D’un pas décidé, il se glissa entre les passants et atteignit rapidement son objectif. Il eut vite l’eau à la bouche, les menus proposés n’étaient absolument pas les mêmes qu'en Suisse. Des burgers aux crevettes, des tranches de porc pané, des soupes avec des boulettes pas toujours identifiées. Après avoir englouti son repas, il décida de retourner à son hôtel pour demander quelques renseignements à son hôte. Sur le chemin, il s’arrêta dans des magasins, regarda des hommes et des femmes se faire tatouer dans des normes d'hygiène parfois discutable, échangea quelques mots avec des touristes venus du monde entier, il repéra plusieurs restaurants intéressants pour plus tard, car restant ici en tous cas deux semaines, il aurait bien assez de temps pour les tester, surtout que tout paraissait délicieux.

    Arrivé, Nathan tomba sur la petite dame qui insultait à voix basse son bureau. Apparemment, elle n’arrivait plus à rentrer le tiroir. Il rigola doucement :

    -Vous avez peut-être besoin d’aide ?

    Elle se redressa en sursaut, elle ne l’avait pas entendu rentrer malgré le bruit infernal de la porte :

    -Pitié, arrête toute cette politesse, j’ai l’impression d’être vieille !

    Elle pointa du doigt le tiroir qui lui posait tous ces problèmes :

    -Impossible de le remettre à sa place. Pourtant, j’ai encore une sacrée poigne...ou alors je deviens vraiment vieille.

    Nathan souris de toutes ses dents :

    -Je t’assure, on dirait quand tu as encore vingt ans.

    Elle lui donna une petite tape sur l’épaule en pouffant. Nathan sorti le coupable de tous ces tracas et constata que le fond de ce dernier commençait à se détacher. Elle lui apporta une boîte qui aurait parfaitement pu finir dans un musée avec dedans de quoi réparer le meuble. C’est tout naturellement que la vieille l’invita à manger le soir même pour le remercier. Nathan passa une soirée génial, la nourriture était délicieuse, ils rigolèrent à en réveiller tout le pater de maison et l’alcool aidant, les langues se délièrent.

    La vieille dame s’appelait Araya . Elle s’était mariée très jeune à un homme sans le sou qu’elle avait profondément aimé. Appréciant les gens et la diversité, ils avaient souhaité ouvrir un hôtel pour pouvoir rencontrer toutes sortes de personne. Comme rien ne coûtait cher à Khao San Road, ils avaient pris la décision d’investir dans un immeuble du quartier, neuf à l'époque, pour y installer leur hôtel. Ils n’avaient pas de quoi louer un appartement car toutes leurs économies étaient passées dans l’acquisition du bâtiment, ils dormaient directement sur place, dans une petite pièce sans fenêtre. Son mari, qui avait été menuisier, avait construit la totalité des meubles. Pendant un temps, il put réparer et prendre soin de la baptise mais sa santé se dégrada et en manque d’argent, ils ne pouvaient se permettre d’engager quelqu’un. Araya absolument pas manuelle faisait comme elle pouvait, mais elle n’avait pas le talent de son mari. Et après s'être fièrement battu, il décéda d’un cancer laissant seule sa femme et cet hôtel en mauvais état. Mais malgré les difficultés, elle n’avait pas souhaité revendre. Elle y avait vécu toute sa vie de couple, elle aimait cet endroit et cela lui permettait de voir constamment des gens et de discuter, lui évitant ainsi la solitude. Elle n’avait jamais eu d’enfant, pas que l’envie lui manquait, mais après des années à essayer, il fallut se rendre à l'évidence , un des deux était stérile. Elle avoua à Nathan qu’elle était soulagée d’avoir une bonne âme comme lui pour lui proposer son aide. Elle savait qu’elle ne devait pas s’attacher à cet inconnu qui venait à peine de débarquer dans sa vie. Après tout, il ne resterait pas indéfiniment mais après cette soirée, sans pouvoir l’expliquer, elle ressentit un amour maternel immense.

    Nathan quant à lui aimait beaucoup son franc-parler, elle disait ce qu’elle avait à dire sans trop se soucier du reste. Il se sentait en confiance avec elle et lui raconta ses problèmes de famille et après un moment d’hésitation, il lui parla même de son homosexualité. Il avait un peu peur de sa réaction, car comme toutes vieilles personnes, le sujet était souvent tabou mais sa réponse le toucha . Elle lui expliqua qu’elle ne comprenait pas obligatoirement mais qu’elle ne jugeait pas pour autant . Après tout, chacun aimait qui il voulait et que de toute façon, les gens avaient cas s’occuper de leurs propres affaires avant de critiquer.

    Après des bières et encore plus de bières, il lui souhaita bonne nuit, il avait encore toute la fatigue de son long voyage. Ils se quittèrent sur un accord. Nathan très bricoleur l’aiderait à réparer les choses abîmer en échange de bons repas le soir.

    Et c’est ainsi que la semaine qu’il avait prévue pour faire du tourisme se transforma en atelier bricolage. Il adorait la compagnie d’Araya qui lui apportait l’amour qu’il n’avait jamais eu de sa famille et ça lui réchauffait son cœur en morceaux. Il trouvait drôle comme il était facile de s’attacher à une personne en si peu de temps alors que pendant 34 ans, il avait cherché l’amour de ses parents. Mais malheureusement, cette semaine arrivait à sa fin. Nathan était là pour le travail et il devait bien devoir commencer un jour.

    Il avait la tête dans un meuble quand il entendit les petits pas d’Araya, il se recula pour pouvoir la voir. Elle tenait dans une main une petite clef qui avait l’air de loin toute rouillée :

    -C’est la clef du cadenas de mon vélo. À part mon hôtel, c’est la seule chose de valeur qu’il me reste et je voudrais te le donner. Il faut se rendre à l’évidence, je ne pourrais plus l’utiliser et ça te permettra d’aller partout sans rien payer. Il n’est plus en très bon état, mais au moins, il roule.

    Elle la lui passa et d’une voix enrouer par l’émotion lui dit :

    -Il était à mon mari.

     

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