• Nathan essaya de retenir de sa main la porte que Kai s’apprêtait à fermer et dans le mouvement, ses doigts glissèrent entre cette dernière et l'encadrement. Il dû retenir un cri de douleur. Par réflexe, il secoua sa main en s’appuyant dos au mur. Il se laissa tomber, la douleur avait été tellement violente que sa tête tournait. Kai allait ouvrir la porte en grand mais s’arrêta net, Nathan s'était mis à se marrer très fort :

    -Tu as un problème dans ta tête ?! Qui me dit que tu n’es pas complètement fou. Personne ne rigolerait après ça ?

    -Avoue quand même que c’est assez cocasse comme situation. Au moins, y a quelqu’un qui me fait rire.

    Kai entrebâilla la porte pour jeter un coup d’œil à cet étrange personnage. Quand il vit son majeur en sang, il l’ouvrit complètement. Après tout, il était
    responsable de cette blessure. Il reprit dans un soupir agacé :

    -Entre, j’ai pas dix ans .

    Nathan s’exécuta, fier d’être arrivé à ses fins malgré le dommage collatéral :

    -Prends un tabouret et mets-toi vers la table, je reviens.

    Le beau jeune homme disparu quelques minutes. Nathan entendit un tiroir s’ouvrir au loin et se refermer dans un grand fracas. Kai réapparut enfin avec ce qui semblait être une trousse à pharmacie. Il la posa et détacha presque le couvercle en l’ouvrant. Quand il était en colère, il ne faisait pas semblant. Nathan se demanda tout de même Nathan se demanda tout de même s’il allait lui arraché son membre blessé mais étonnamment, Kai lui attrapa la main avec beaucoup de douceur :

    -Tu es passablement bien équipé, heureusement pour moi. J’ai eu peur qu’on m’ampute.

    -Je suis devenu assez maladroit depuis que je vois moins bien de l’œil droit.

    Il eut soudainement un silence et Kai claqua sa langue sur son palais de mécontentement. Que lui prenait-il de raconter sa vie à un inconnu ? Il sortit de sa boite du désinfectant qu’il mit en quantité généreuse sur la plaie.

    -Aïe .

    -Fais pas ton bébé !

    Nathan ne put retenir un rire :

    -Pourquoi tu rigoles maintenant ?!

    -Parce que tu donnes l’impression d’être quelqu’un de tendre mais apparemment, les apparences sont parfois trompeuses.

    Kai le regarda droit dans les yeux, il avait un regard dur. Si des yeux pouvaient tirer, Nathan serait sûrement déjà mort. Il mit sans aucune douceur de la crème cicatrisante sur la blessure :

    -Et pourquoi tu penses ça, au juste ?

    -Parce que tu es beau avec des traits fins. C’est complètement nulle comme réflexion, je te l’accorde. Mais je ne m’attendais pas pour autant à voir une personne avec autant de mordant.

    -J’ai que des pansements mauves, ça ira ? Comme tu es viril d’apparence, tu ne dois pas aimer les couleurs de filles.

    Nathan posa une main sur son cœur et mima une expression de douleur :

    -Ouille, touché. Je te promets, je ne tomberai plus dans les clichés que nous dictent la société. Mais je dois quand même t’avouer que ça n’est pas ma couleur préférée.

    Cette réflexion arracha un petit sourire à Kai :

    -J’ai fini, c’est tout réparé. Tu peux partir.

    Nathan approcha sa main de son visage et y jeta un coup d’œil rapide. À vrai dire, il trouvait le pansement plus rose que mauve mais c’était peut-être juste une histoire d’appréciation. Il était maladroitement collé avec des plis ci et là, mais le cœur y était :

    -Je pars pour aujourd’hui parce que je suis attendu mais demain, je reviens avec le repas.

    -Et pourquoi tu ferais ça ?

    Il secoua sa main :

    -Pour le remboursement des soins.

    Kai leva un sourcil et croisa les bras :

    -Oui enfin, c’est moi qui ai failli te le casser, il me semble que tu ne me dois rien.

    -Ho aller ! Laisse moi venir ici. Au moins, mon connard de patron ne me cherchera pas là.

    -Quelle vulgarité.

    Nathan s'esclaffa en ce tenant le ventre de son membre valide :

    -Tu peux parler !

    Dans un soupir, Kai referma la pharmacie et l’agrippa des deux mains :

    -Fais comme tu veux, après tout.

    Il disparut à nouveau. Nathan se leva de sa chaise satisfait. Au moment où il saisit la poignée pour partir il entendit Kai lui dire d’une voix forte et sèche :

    -J’aime pas les crevettes. Maintenant, va-t’en et à demain !

    Araya fut surprise quand elle entendit qu’elle n’avait pas besoin de faire de repas pour le midi suivant, peut-être avait-il un diner avec sa boîte ? Elle croisa les doigts pour que tout se passe bien car elle connaissait la situation dans le moindre détail et si elle en avait encore eu la forme, elle serait allée botter le cul de ce « con de patron ». Elle répétait toujours qu’il n’y avait pas d’âge pour être bête et ignorant. Elle espérait vraiment qu’un jour le monde entier puisse se respecter et que les gens soient en accord les uns avec les autres bien qu’elle était pessimiste sur le sujet. Chaque fois qu'elle parlait du travail avec Nathan, elle finissait toujours par partir dans la cuisine en roulant des yeux et en levant les bras au ciel. La vie était déjà assez dure, problèmes de santé, soucis financiers, manque de ressources et l’être humain était encore assez stupide pour se faire la guerre. N'était-il pas plus logique de s'entraider ou avait-elle simplement une vision trop utopique de ce que pourrait être la planète ?

    Ce matin, il se leva sans angoisse. Il prit son petit-déjeuner à la volée et fit un tendre baisé sur la joue de la mémé. Celle-ci lui donna une petite tape affectueuse sur l’épaule :

    -Je sais pas ce qu’il se passe, mais tu as intérêt à tout me raconter.

    Mais Nathan était déjà loin. Il avait mis un peu de ses économies dans son porte-monnaie pour pouvoir acheter assez de nourriture pour deux. Il avait repéré un petit restaurant qui avait l’air de faire de délicieux pad thaï à un prix plus que raisonnable. Nathan restait fauché, il ne pouvait donc pas tout se permettre. Ses collègues semblaient étonnés de le voir arriver souriant. Chose rare, il les salua, personne ne lui répondit mais il s’en fichait complètement. Une de ces consœurs susurra à l’oreille d’une autre qu’il était beau gosse quand il souriait comme ça, elles pouffèrent comme des écolières vivant leur premier amour avant de se mettre au travail. À midi pile, Nathan déboula dans la salle des archives en montrant du doigt le sac qui semblait bien plein :

    -Pad Thai pour la numéro une.

    Kai s’apprêtait à ouvrir la bouche mais rien n'eut le temps de sortir :

    -Sans crevette, bien sûr !

    Il souffla du nez et quitta ses dossiers pour rejoindre Nathan autour de la table :

    -Je ne savais pas ce que tu voulais boire , j’espère que tu aimes le coca .

    -Ça fera l’affaire bien que je fasse attention à ma ligne !

    Nathan le regarda des pieds à la tête :

    -Et je vais te croire, quelques kilos en plus ne te feraient pas de mal, crois-moi.

    Kai ne rétorqua pas et prit une des deux boîtes. Après tout, il avait dit ça pour l’embêter en effet, prendre un peu de poids ne lui ferait que du bien. Mais manger seul tous les jours avait fini par le rendre triste alors il sautait régulièrement des repas. Les rares fois où il pouvait aller voir sa famille, il mettait des habits amples pour ne pas inquiéter ses proches, sa mère avait juste supposé qu'en vivant en ville, son fils avait changé de look. Elle trouvait dommage qu'il se cache ainsi car il était petit mais bien bâti avec un beau corps musclé. Mais ça, c’était l’époque où il partait avec son père sur le bateau qu’il fasse beau ou pas. C’était un travail physique qui avait sculpté son corps. Depuis, sa mère ne l’avait revu qu’avec des pulls plus-size et comme elle pouvait parfois être naïve, elle ne se posait aucune question et faisait juste confiance à son fils quand celui-ci lui disait que tout allait bien et qu’il adorait ses nouvelles fringues.

    La nourriture sentait divinement bon et Kai ne se fit pas prier pour l’engloutir :

    -Tu vas t’étouffer. Promis, elle ne va pas partir.

    Il posa ses services et prit une énorme gorgée du liquide noir. De la nourriture était restée bloquée dans sa gorge :

    -Ton prénom ?

    -Nathan, mais Nat ça ira très bien .

    -Kai.

    -Je sais.

    Il ricana :

    -Merde, un stalker !

    -La secrétaire est bavarde.

    Kai pencha la tête en arrière, étendit ses jambes de tout leur long et croisa les mains derrière sa nuque :

    -Les femmes, toujours à trop parler.

    Nathan le pointa de sa fourchette :

    -On avait dit plus de clichés !

    Kai rigola d’un rire franc :

    -Tu as raison, pardon. Mais que veux-tu, je suis une personne stupide, je ne retiens pas grand-chose.

    Nathan regarda son téléphone :

    -Merde, l’heure !

    Il sauta d’un bond sur ses pieds, rangea en urgence les déchets, ne prit pas la peine de remettre sa chaise à sa place et d’un pas rapide prit la direction de la sortie :

    -Hey, reviens demain. C’est moi qui régale cette fois.


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  • ( Les conversations en anglais sont en italique )


    Une semaine s’était écoulée. Elle avait semblé durer une éternité. Nathan se levait tous les matins la boule au ventre et il se demandait un peu plus chaque jour s'il n’avait pas fait la plus grosse bêtise de sa vie en acceptant ce job. Araya avait beau tout faire pour lui remonter le moral, on voyait un désespoir constant dans ses yeux. Ce qui lui donnait autant le cafard, c’est qu’il avait cette terrible impression qu’il y aurait toujours quelque chose pour le rendre malheureux, qu'importe où il essayait de fuir. Et même si Araya ne s’en rendait pas compte, elle était d’un énorme soutien et si au bout de deux jours Nathan s’arrêta de pleurer, c’est parce qu’elle avait réussi à trouver les bons mots pour soulager en partie sa peine.

    Nathan laissa comme à son habitude son vélo une ruelle plus loin. Perdu dans ses pensées, il ne fit pas attention et bouscula un de ses collègues :

    -Regarde où tu vas, putain !

    L’homme déjà d’un certain âge souffla entre ses dents d’agacement et tourna les talons. Voilà une des choses qui fâchait le plus Nathan, le fait que certaines personnes de son département ne lui parlaient qu’en anglais mettant ainsi encore plus de distance être eux. Mais à côté il sentait que d’autres étaient plutôt curieux et que ça n’était pas obligatoirement par choix qu’ils le repoussaient. Ça n’était que des spéculations mais Nathan se demandait tout de même si son patron n’avait pas mis la pression à ses employés le concernant. Mais la question restait la même : pourquoi ?

    Pourquoi lui faisait-il vivre un enfer ? Il lui donnait du travail pour deux, le faisait passer pour un menteur auprès de ses confrères, de façon subtile le rabaissait. Décidément, Nathan n’y comprenait rien.

    Kawin avait tout pour lui : il était bel homme, avait apparemment une femme superbe, deux beaux enfants doués pour les études, il avait un bon salaire. Une vie de prime à bord parfaite. Alors pourquoi cet acharnement ? Peut-être avait-il la tare de ne pas aimer les étrangers ?

    Dans tous les cas, cette situation n’était pas soutenable pour Nathan. Il avait fini par appeler son patron et ami la veille pour lui expliquer toute l’histoire. Il lui avait demandé de lui trouver une place ailleurs quitte à rentrer en suisse. Il avait bien sur précisé qu’il finirait ses six mois de test pour ne pas l’embarrasser. Il en avait déjà tant fait pour lui, il ne voulait pas le lâcher alors que c’était un de ses seuls vrais amis. Ce qui le rendait amer, c’est que ça donnerait une belle occasion à sa mère de le dénigrer encore un peu plus.

    L’heure de manger sonna, son ventre vide gargouillait, il avait de la peine à manger le matin mais il faisait un maximum d’efforts pour ne pas inquiéter Araya. Comme à son habitude, il prit son plat préparé la veille par les soins de la vieille dame et alla se cacher derrière le bâtiment. Comme à chaque fois, il mangeait seul. En ouvrant le sac il n'y trouva pas de services, il le referma et se mit debout. Sur le chemin,  il bouscula son patron et celui-ci lui renversa son café dessus :

     -Un peu de sérieux, regardez où vous marchez bon sang.

    Il lui tendit son gobelet en plastique maintenant vide :

    -Mettez ça à la poubelle et arrangez-vous. Si un client important arrive et qu'il vous voit avec cette allure, que va-t-il penser de notre entreprise à cause de vous !

    Nathan prit le verre avec un sourire forcé et le contourna. S'il avait eu un couteau dans sa poche, il aurait pu l’égorger sur place. Il serra si fort le gobelet en plastique qu’il explosa littéralement. Il jeta les débris dans la poubelle qui se situait à quelques mètres de là :

    -Connard, tu es trop con pour le faire tout seul !

    Une des choses qui permettait à Nathan de ne pas devenir fou, c’était qu’il pouvait insulter à sa guise tout le monde bien haut en français, personne ne le comprenait, c’était d’une jouissance incroyable. Il se remit en route mais arrivé au niveau de l’accueil, il s’immobilisa. Quelque chose avait attiré son attention. Deux hommes travaillant avec lui venaient de bousculer un jeune qui fit tomber des documents qui s’étalèrent au sol. Le garçon ne riposta pas et baissa la tête. Il se pencha en avant dans le but de ramasser ses papiers mais le plus vieux des hommes mit son pied dessus et rigola bruyamment. Le sang de Nathan ne fit qu’un tour, il savait bien qu’en allant aider l’inconnu, il n’arrangerait pas les relations déjà tendues avec ses collègues mais ayant un grand sens de la justice, il ne pouvait pas laisser passer ce genre de comportements inadmissibles. Et de toute façon , le contact avec les autres ne pouvait pas être pire :

    -Hey, vous avez besoin d’aide ?!

    Il accéléra le pas et repoussa l’homme de toutes ses forces ce qui le fit presque tomber, il se rattrapa de justesse au mur et le pointa du doigt :

    -Toi le nouveau, tu restes en dehors de ça.

    Nathan sera les poings et dut retenir une terrible envie de lui mettre un pain dans la figure :

    -Et quoi ? Je devrais te regarder t’en prendre à quelqu’un qui n’a rien fait. Il ne faisait que passer par là !

    L’homme éclata de rire :

    -Tu as vu comme il est affreux avec sa face ? C’est un monstre et il ne mérite aucun respect de ma part. Il n’avait qu'à ne pas se présenter devant moi, il me dégoûte !

    L’ami de l’homme voyant Nathan devenir rouge de rage préféra partir :

    -Viens, ne nous battons pas ici. Tu vas t’attirer des ennuis pour rien.

    L’homme en colère cracha aux pieds de Nathan avant de se dégager le bras qu’agrippait son ami et parti. Il défonça presque le bouton de l’ascenseur en appuyant dessus, il jeta un dernier coup d’œil meurtrier vers Nathan et le jeune garçon puis rentra dans la cabine. Nathan ne le quitta pas du regard avant que celui-ci disparaisse pour enfin se tourner vers la victime qui ramassait d’une main tremblante ses papiers. Il se mit accroupi pour l’aider, le garçon tourna la tête pour cacher le côté droit de son visage, gêné :

    -Je n’ai pas besoin de ton aide, va-t’en !

    Nathan n'eut même pas le temps de l’arrêter qu’il était déjà loin. La scène s'était passée tellement vite qu’il avait de la peine à mettre au clair ses idées. Il se redressa sans lâcher du regard le couloir désormais vide. Il sursauta quand son téléphone sonna, la pause était finie. Perturbé, il marcha machinalement vers l’ascenseur. Avec tout ça, il n’avait pas pu manger mais il n’avait de toute façon plus faim.

    Heureusement, cet après-midi-là, il n’avait rien à faire en extérieur. Il avait juste une multitude de dossiers à lire. Il ne pouvait s’empêcher de revoir encore et encore la scène, surtout ses yeux. Il n’avait jamais vu une si grande tristesse sur un visage. Il avait eu la sensation de voir tous les malheurs du monde portés par une unique personne et il se revoyait lui, seul dans sa chambre en pleurs. Une pensée lui pinça le cœur :

    -Je crois que ce garçon se sent aussi seul que moi..

    Ses yeux se remplirent de larmes et sa gorge se noua. Il ne devait surtout pas pleurer devant tout le monde, en aucun cas il ne devait se montrer faible devant ces gens au risque de leur donner l'opportunité de se moquer de lui. Mais sans vraiment l’expliquer, Nathan s’était égoïstement senti heureux de savoir qu’il n’était pas seul au monde dans cette situation. Peut-être que cela lui faisait juste du bien de savoir que d’autres étaient en capacité de comprendre ce vide dans son cœur. Quoi qu'il arrive, il voulait le revoir. Son image était ancrée dans sa tête et ne voulait plus la quitter. Mais voilà, Nathan ne savait pas du tout qui était cette personne. Il avait clairement l’air d’un employé de Bridget Compagnie mais il ne l’avait jamais croisé. Il leva les yeux au plafond et soupira avant d’avoir l’idée toute simple d’aller demander à la secrétaire de l’accueil principal. Elle le lui dirait peut-être, il n’avait jamais eu d’altercation avec elle. En tous cas, leur relation n’était pas mauvaise.

    Il s’approcha de la femme avec le sourire le plus charmeur possible espérant que cela fasse son petit effet :

    -J’ai croisé un jeune homme à midi et comme il m’a rendu service je souhaiterais le remercier mais malheureusement, je ne sais pas où le trouver.

    -Donnez-moi son nom, je verrai ce que je peux faire.

    Nathan se gratta la nuque avec un sourire timide :

    -Je ne sais pas son prénom.

    Elle rigola doucement :

    -Je n’arrive pas encore à lire l’avenir, il va falloir me donner un petit coup de pouce.

    -Je n’ai pas bien eu le temps de le voir, mais il me semble qu’il avait une marque sur le visage.

    Son expression se détendit d'un coup, il n’y avait qu’une personne qui pouvait correspondre à cette description. Une grande marque sur le visage, ça n’était pas commun :

    -Je pense qu’il s’agit de notre archiviste, Kai. Vous le trouverez sans nul doute dans la pièce des archives au sous-sol. En face de la pièce aux chaises orange, il y a des escaliers. Empruntez-les, impossible de se perdre.

    Elle se racla la gorge en fronçant les sourcils :

    -Je dois quand même vous prévenir, il n’est pas très sociable.

    La bouche de Nathan se transforma en un énorme sourire et il dit d’une voix enjouée qu’il n’avait pas eu depuis longtemps :

    -J’ai cru comprendre.

    Il partit presque en courant vers les escaliers. Il s’arrêta avant la première marche et fit un signe de la main à la femme :

    -Je vous en dois une, demandez-moi en cas de besoin.

    Elle le regarda surprise, elle ne comprenait pas vraiment cet élan de joie soudain mais après tout, ça n’était pas son problème.

    Il arriva devant une porte en bois clair qui était fermée. Il toqua une première fois mais ne recevant aucune réponse tapa une deuxième fois un peu plus fort. Elle s’ouvrit tellement fort que le vent fit voler ses cheveux :

    -Quoi ?!

    Nathan et l’inconnu se regardèrent dans les yeux sans un mot. Nathan resta bloqué sur son visage. Du coin de son œil droit partait une énorme cicatrice qui coupait sa joue jusqu’au milieu de son menton. Mais plus que cette balafre, il remarqua sa beauté, il n’avait jamais vu une si belle personne. Mais il n’y avait pas que ça, l’énergie qu’il dégageait malgré son agacement palpable de l’instant était si douce et apaisante. Nathan eut la sensation de se retrouver dans une grande bulle de paix. Enfin, ça s’était avant que le garçon n’ouvre la bouche :

    -C’est toi, je te reconnais. Que veux-tu ? Y a rien pour toi ici, pars !

     


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    ( les dialogues en anglais sont en italique )

     Nathan enfourcha son vélo délavé par le temps mais l’on pouvait deviner qu’un jour, il fut rose. Il avait une petite sonnette avec une fleur peinte à la main dessus. Il accrocha son sac sur le vieux porte-bagage rouillé et commença à pédaler. La moindre pièce grinçait et il se dit que quelques réparations ne seraient pas de trop. Mais pour l’instant, il était déjà content de ne pas devoir prendre le bus tous les jours, ça lui permettrait de faire des économies, n’ayant rien de côté en cas de problèmes, c’était toujours ça de gagné.

    Il allait à vive allure sous les regards des passants amusés de voir un grand homme en costard-cravate sur une vieille antiquité rose à deux-roues. Il freina à un feu ce qui fit sursauter un homme qui ne s’attendait pas à un grincement pareil : 

    -Vous voulez ma mort ?

    L’homme posa une main sur son cœur et Nathan s’inclina gêné avant de reprendre sa route. Il se faufilait tant bien que mal entre les voitures, le trafique à Bangkok n’était pas le même qu’en Suisse et il espérait juste arriver vivant sur son nouveau lieu de travail. Il quitta doucement les petits bâtiments pour arriver dans le quartier des affaires. Il y avait beaucoup de monde mais l’ambiance était bien loin de celle de Khao san Road. Des hôtels de luxe partout, des magasins passablement plus chers, des buildings modernes. En bref, l’endroit était très classe et l’idée de dormir dans un de ces hôtels faisait fantasmer Nathan mais les prix sûrement moins.

    Il trouva sa route sans encombre. À l’ère du numérique, il était devenu difficile de se perdre . Il laissa son vélo une ruelle avant se disant que cela ferait sûrement pas très sérieux d’arriver pour son premier jour sur cet engin. Il remit sa cravate ainsi que son col en place, vérifia que le reste de son costume soit en ordre et prit la direction de l’entreprise. Devant lui se dressait un immeuble gigantesque . Il n’avait aucune originalité, il faisait partie de ces milliers de bureaux, une grande tour grise blindé de fenêtres soi-disant pour « offrir plus de luminosité » alors que tous les employés savaient parfaitement qu’il était juste plus facile pour les supérieurs de les surveiller, et cela, même de l’extérieur. Et tout en haut, en grosses lettres rouges, on pouvait y lire « Bridget Compagnie ». Nathan franchit l’énorme porte en verre et visa directement l’accueil où une jeune demoiselle parfaitement habillée et coiffée d’un chignon sans défaut lui sourit:

     -Bonjour .

    Nathan posa son sac sur le comptoir et observa les alentours avant de se tourner vers la secrétaire :

    -Bonjour , je suis Nathan Beuchat, le nouvel employé.

    Elle sortit un dossier d’une des innombrables cases de rangement derrière elle et toujours d’un sourire rayonnant, elle reprit :

    -Veuillez tourner sur votre gauche. Au bout du couloir, il y a une salle avec des sièges orange. Une personne viendra d'ici quelques instants vous y rejoindre .

    Il la remercia rapidement et prit place sur une des nombreuses chaises comme elle le lui avait demandé. Il resta là un bon moment et commença à trouver le temps long. Il joua d’abord avec un stylo mais quand il perdit tout intérêt pour celui-ci, il se mit à arracher des petits bouts de papier avant de se mettre à tourner sur sa chaise. Il se stoppa net, pencha la tête en arrière et croisa les mains sur son ventre et dans un long soupir se dit soudainement que personne chez lui n’avait pris de ses nouvelles, cela voulait peu être signifié qu’il avait définitivement été abandonné par les siens. Une voix le sorti tout à coup de ses sombres pensées :

    -Veuillez excuser mon retard, du travail partout ! Monsieur Beuchat, c’est une aubaine de vous avoir parmi nous. Thaïlandais, russe, français et anglais. C’est un mélange plutôt rare et curieux. Votre ancien patron ne m’a dit que du bien de vous !

    Nathan le regarda les yeux grands ouverts d’étonnement. Il se demanda si cet homme soudainement apparu n’allait pas mourir d’asphyxie tant il parlait vite et sans jamais reprendre son souffle. Après quelques secondes, il reprit ses esprits et se leva pour saluer son interlocuteur :

    -J’espère apprendre beaucoup de choses en travaillant ici avec vous .

    L’homme lui sourit mais curieusement, Nathan ne le trouva pas bienveillant . Il n’arrivait pas vraiment à l’expliquer mais ce sourire lui fit froid dans le dos. Il se dit que c’était simplement son imagination et emboîta le pas de l’homme qui avait déjà quitté la salle. Ils traversèrent le grand hall et s’arrêtèrent pour récupérer le document sorti plus tôt par la secrétaire et reprirent leur route. Dans un silence lourd, ils rentrèrent dans l’ascenseur et l’homme commença à feuilleter le classeur :

    -Impressionnant, vous avez appris ces langues à une de ces vitesses .

    -Oui, quand j’en trouve une qui me plaît, on ne m’arrête plus.

    L’homme ricana discrètement avant de sourire à nouveau, ce qui mit encore une fois Nathan mal à l’aise :

    -Je vais vous présenter aux autres, vous montrer votre bureau ainsi que les locaux et pour le reste, ça sera la même chose que dans votre pays. En vue de vos qualifications, vous saurez vous débrouiller seul.

    Nathan fronça les sourcils mais ne dit rien, ça ferait tache sur le papier si dès son premier jour, il se mettait à dos ce qui semblait être son supérieur parce que maintenant qu’il y pensait, il ne s'était pas présenté :

    -Excusez-moi, mais je ne suis pas sûr d’avoir retenu votre nom monsieur .

    Nathan put clairement apercevoir la mâchoire de l’homme se contracter :

    -Je m’excuse, avec tout ce stresse j’ai complètement oublié de me présenter. Vous pouvez simplement m'appeler Kawin et je suis désormais votre supérieur. En cas de problème, c’est à moi qu’il faudra en référer.

    Nathan grimaça, son patron estimait peut-être qu’il serait une source d’ennuis. Partait-il du principe que comme il n’était pas du pays, il ne saurait pas faire correctement son travail ? Il comprenait bien que quelque chose n’allait pas avec Kawin mais il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Venant d’arriver, il se demandait pourquoi il était déjà rabaissé. Étant quelqu’un de très franc, il aurait voulu le stopper pour l’affronter, mais il dû serrer le poing dans la poche et se taire. Peut-être, se disait-il, que s'il faisait ses preuves cette tension finirait par disparaître :

    -Ne vous inquiétez pas, je ferai en sorte que tout se passe bien .

    Kawin ne répondit rien et sortie de l’ascenseur qui était enfin arrivé au bon étage. Les bureaux des interprètes se trouvaient à l’avant-dernier étage ce qui donnait une vue imprenable sur Bangkok. Sur la gauche, juste à cote de la porte de l’ascenseur, plusieurs porte-manteaux où un certain nombre de vestes étaient déjà empilées. Au milieu, trois blocs constitués chacun de quatre tables mais Nathan bon observateur, remarqua de suite que toutes les places étaient prises . Il préféra pour le moment, ne pas y prêter plus d'attention. Sur la droite, le long du mur, une armée de photocopieuses avec au-dessus, des tableaux d’art contemporain plus laids les uns que les autres. Sûrement la lubie du supérieur qui voulait montrer sa collection acquise à un prix scandaleux et bien sûr, aucun employé ne pourrait se le permettre. Le mur d’en face était constitué d'énormes baies vitrées d’une extrême propreté. Et pour finir, juste en face de l’ascenseur, une porte fermée :

    - C’est mon bureau.

    Il pointa la fameuse porte du doigt :

     -Le vôtre est là-bas .

    Il fit un signe de la tête pour montrer une place de travail à l’écart des autres et sans que Nathan ait le temps de dire quoi que ce soit, son patron avait disparu. Nathan salua ses nouveaux collègues mais la gêne était palpable. Il préféra donc ne pas s’attarder et se rendre à son bureau. Au moins en regardant le côté positif, il n’avait qu'à tourner la tête sur la droite pour voir dehors . Il prit place sur sa chaise et se frotta les yeux. Il regarda devant lui et souffla un bon coup, cette entrée en matière était plutôt dure à digérer. N’ayant pas eu plus d’indications sur les tâches à accomplir, il partit du principe qu’il devait s’attaquer à l’énorme pile de documents posée négligemment sur son bureau. Sa journée consista à lire encore et encore. Il constata qu’aucun de ses clients n’était Thaïlandais et surtout, qu’aucun cas n’était passionnant . Encore une fois, il essaya de se rassurer en se disant que c'était juste le début et qu’il fallait que l’entreprise prenne confiance en lui

    Il quitta le travail à 18h30. Sans un bruit, il prit sa veste et appela l’ascenseur. Il s’engouffra dedans avec quelques collègues qui ne lui prêta pas plus d’attention que cela. Une fois dehors, il gonfla ses poumons d’air et il expira très fort les yeux embués de larmes. Arrivé à son hôtel, il ne s’arrêta même pas pour voir si la mamie était là et partie directement dans sa chambre. Il se laissa lourdement tomber sur son lit, vidé et triste. Il cacha son visage dans ses mains et pleura en silence. Il ne sut dire combien de temps cela dura mais il avait l’impression que ses larmes ne s’arrêteraient jamais.

     

     

     

     

     

     

     


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  • Nathan avait étonnamment bien dormi malgré le bruit incessant de la nuit. Il se redressa et resta assis sur le bord du lit. Il se frotta les yeux tout en bayant et en s’étirant. Il prit enfin le temps d’observer la chambre qui la vielle, ne l’avait pas du tout intéressé. C’était une toute petite pièce très mal insonorisée et il pouvait le dire car à l’instant, il venait d’entendre son voisin se soulager d’un pet sonore. Dans un coin, il y avait bien sûr un lit avec depuis hier soir une latte cassée. En face du lit, dans un autre coin, une armoire en bois massif et au milieu de la pièce, trônait une petite table avec une seule chaise et c’était tout, plutôt sommaire. Mais Nathan fit le même constat que le premier jour, tout était propre. Les sols brillaient presque, les draps avec une odeur très forte mais agréable de lessive et le plafond était immaculé de toute toile d’araignée.

    Il décida enfin de regarder sa montre, onze heures. Heureusement qu’il avait pris la décision de placer une semaine de vacances pour pouvoir se reposer et prendre ses marques. Perdu dans ses pensées, il fut interrompu par son ventre qui allait beaucoup mieux et qui maintenant, réclamait à manger. Il fouilla dans sa valise pour trouver de quoi se changer ainsi que son savon et son linge. Il quitta la chambre pour aller dans les douches communes qui se trouvaient au même étage que lui, il avait juste à aller tout droit. Elles étaient assez spacieuses et comme tout le reste, simples mais propres. Il poussa un petit cri incontrôlé quand l'eau gelée lui coula dessus. Il attendit quelques instants mais rien à faire, elle restait froide. Après avoir pris son courage à deux mains et s’être lavé, il se rendit à l’accueil où il trouva la mamie de la veille.

    -Te voilà, tu as bien dormi ?

    -Comme un bébé je dois dire.

    Le ventre de Nathan se fit à nouveau entendre :

    -Madame, savez-vous où je peux me trouver à manger ?

    Elle rigola :

    -Tu sors et tu choisis, les restaurants c’est pas ce qui manque ici . Viande, poisson, nouille, nourriture végétarienne, tu trouvas à coup sûr ton bonheur.

    Il la remercia d’une petite courbette et tourna les talons. Une fois à l’extérieur, il nota que plus rien n'avait à voir avec la veille. En journée, ce quartier redevait calme, enfin presque . Il y avait surtout une partie des ivrognes qui avaient fini par rentrer chez eux ou dans leur hôtel pour dessaouler. À Khao San Road il y avait principalement des touristes, des baroudeurs venus loger dans des hébergements bon marché ou pour faire du shopping à bas prix , boire à n’en plus pouvoir et pour certains, payer les services d’une jolie femme.

    Nathan s’engagea sur le chemin pavé, il jetait de brefs coups d’œil aux restaurants, il y avait tellement de choix qu’il ne savait plus ou donner de la tête. Et d’un coup, au bout de la rue, il y vit une énorme enseigne Burger King. Ça n’était pas très local, mais il se dit que l’adaptation au pays commencerait plus tard. D’un pas décidé, il se glissa entre les passants et atteignit rapidement son objectif. Il eut vite l’eau à la bouche, les menus proposés n’étaient absolument pas les mêmes qu'en Suisse. Des burgers aux crevettes, des tranches de porc pané, des soupes avec des boulettes pas toujours identifiées. Après avoir englouti son repas, il décida de retourner à son hôtel pour demander quelques renseignements à son hôte. Sur le chemin, il s’arrêta dans des magasins, regarda des hommes et des femmes se faire tatouer dans des normes d'hygiène parfois discutable, échangea quelques mots avec des touristes venus du monde entier, il repéra plusieurs restaurants intéressants pour plus tard, car restant ici en tous cas deux semaines, il aurait bien assez de temps pour les tester, surtout que tout paraissait délicieux.

    Arrivé, Nathan tomba sur la petite dame qui insultait à voix basse son bureau. Apparemment, elle n’arrivait plus à rentrer le tiroir. Il rigola doucement :

    -Vous avez peut-être besoin d’aide ?

    Elle se redressa en sursaut, elle ne l’avait pas entendu rentrer malgré le bruit infernal de la porte :

    -Pitié, arrête toute cette politesse, j’ai l’impression d’être vieille !

    Elle pointa du doigt le tiroir qui lui posait tous ces problèmes :

    -Impossible de le remettre à sa place. Pourtant, j’ai encore une sacrée poigne...ou alors je deviens vraiment vieille.

    Nathan souris de toutes ses dents :

    -Je t’assure, on dirait quand tu as encore vingt ans.

    Elle lui donna une petite tape sur l’épaule en pouffant. Nathan sorti le coupable de tous ces tracas et constata que le fond de ce dernier commençait à se détacher. Elle lui apporta une boîte qui aurait parfaitement pu finir dans un musée avec dedans de quoi réparer le meuble. C’est tout naturellement que la vieille l’invita à manger le soir même pour le remercier. Nathan passa une soirée génial, la nourriture était délicieuse, ils rigolèrent à en réveiller tout le pater de maison et l’alcool aidant, les langues se délièrent.

    La vieille dame s’appelait Araya . Elle s’était mariée très jeune à un homme sans le sou qu’elle avait profondément aimé. Appréciant les gens et la diversité, ils avaient souhaité ouvrir un hôtel pour pouvoir rencontrer toutes sortes de personne. Comme rien ne coûtait cher à Khao San Road, ils avaient pris la décision d’investir dans un immeuble du quartier, neuf à l'époque, pour y installer leur hôtel. Ils n’avaient pas de quoi louer un appartement car toutes leurs économies étaient passées dans l’acquisition du bâtiment, ils dormaient directement sur place, dans une petite pièce sans fenêtre. Son mari, qui avait été menuisier, avait construit la totalité des meubles. Pendant un temps, il put réparer et prendre soin de la baptise mais sa santé se dégrada et en manque d’argent, ils ne pouvaient se permettre d’engager quelqu’un. Araya absolument pas manuelle faisait comme elle pouvait, mais elle n’avait pas le talent de son mari. Et après s'être fièrement battu, il décéda d’un cancer laissant seule sa femme et cet hôtel en mauvais état. Mais malgré les difficultés, elle n’avait pas souhaité revendre. Elle y avait vécu toute sa vie de couple, elle aimait cet endroit et cela lui permettait de voir constamment des gens et de discuter, lui évitant ainsi la solitude. Elle n’avait jamais eu d’enfant, pas que l’envie lui manquait, mais après des années à essayer, il fallut se rendre à l'évidence , un des deux était stérile. Elle avoua à Nathan qu’elle était soulagée d’avoir une bonne âme comme lui pour lui proposer son aide. Elle savait qu’elle ne devait pas s’attacher à cet inconnu qui venait à peine de débarquer dans sa vie. Après tout, il ne resterait pas indéfiniment mais après cette soirée, sans pouvoir l’expliquer, elle ressentit un amour maternel immense.

    Nathan quant à lui aimait beaucoup son franc-parler, elle disait ce qu’elle avait à dire sans trop se soucier du reste. Il se sentait en confiance avec elle et lui raconta ses problèmes de famille et après un moment d’hésitation, il lui parla même de son homosexualité. Il avait un peu peur de sa réaction, car comme toutes vieilles personnes, le sujet était souvent tabou mais sa réponse le toucha . Elle lui expliqua qu’elle ne comprenait pas obligatoirement mais qu’elle ne jugeait pas pour autant . Après tout, chacun aimait qui il voulait et que de toute façon, les gens avaient cas s’occuper de leurs propres affaires avant de critiquer.

    Après des bières et encore plus de bières, il lui souhaita bonne nuit, il avait encore toute la fatigue de son long voyage. Ils se quittèrent sur un accord. Nathan très bricoleur l’aiderait à réparer les choses abîmer en échange de bons repas le soir.

    Et c’est ainsi que la semaine qu’il avait prévue pour faire du tourisme se transforma en atelier bricolage. Il adorait la compagnie d’Araya qui lui apportait l’amour qu’il n’avait jamais eu de sa famille et ça lui réchauffait son cœur en morceaux. Il trouvait drôle comme il était facile de s’attacher à une personne en si peu de temps alors que pendant 34 ans, il avait cherché l’amour de ses parents. Mais malheureusement, cette semaine arrivait à sa fin. Nathan était là pour le travail et il devait bien devoir commencer un jour.

    Il avait la tête dans un meuble quand il entendit les petits pas d’Araya, il se recula pour pouvoir la voir. Elle tenait dans une main une petite clef qui avait l’air de loin toute rouillée :

    -C’est la clef du cadenas de mon vélo. À part mon hôtel, c’est la seule chose de valeur qu’il me reste et je voudrais te le donner. Il faut se rendre à l’évidence, je ne pourrais plus l’utiliser et ça te permettra d’aller partout sans rien payer. Il n’est plus en très bon état, mais au moins, il roule.

    Elle la lui passa et d’une voix enrouer par l’émotion lui dit :

    -Il était à mon mari.

     


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  • Nathan atterrit aux alentours de 19 heures à l’aéroport Suvarnabhumi, son avion aurait dû se poser à 17h15 mais sa correspondance avait pris du retard. Il aurait pu prendre un bus pour aller dans le quartier de Khao San Road qui n’était pas si loin que ça mais il était horriblement fatigué, son voisin avait ronflé à en décrocher les hublots plus de la moitié du voyage et de toute façon, il était trop angoissé pour fermer l’œil.

    Il récupéra son bagage qui prit un temps fou à apparaître sur le tapis roulant et chercha la sortie. Une fois à l’extérieur, il se dirigea vers un des nombreux taxis qui attendaient en file de potentiels clients. Le chauffeur lui prit sa valise qu’il jeta dans le coffre et s’installa derrière le volant. Il lui demanda dans un anglais approximatif où il souhaitait se rendre. L’homme le regarda avec étonnement quand Nathan lui répondit dans un thaïlandais parfait.

    -Dans le quartier de Khao San Road s'il vous plaît.

    Nathan jeta un coup d’oeil au compteur et constata que celui-ci n’était pas allumé, il fit donc la remarque ce qui agaça le chauffeur :

    -Pas besoin, je vous ferais un prix une fois sur place.

    -Si vous préférez, je peux aussi reprendre mes affaires et changer de taxi .

    Le taximan rigola, lui fit signe de lâcher la poignée de la portière et le mis en route :

    -J’ai compris, je ne pourrais pas vous avoir, vous êtes un malin. En tout cas, le soir c’est très animé là-bas. Vous pouvez acheter pas mal de trucs, trouver dans la nourriture toute la nuit, boire et surtout, il y a de très jolies filles.

    Le conducteur fixa Nathan à travers le rétroviseur avec un large sourire. Il le lui rendit pour ne pas froisser l’homme, mais la tournure que prenait la conversation ne lui plaisait pas . Il préféra fixer l’extérieur et observa les immeubles qui défilaient . Bangkok était une ville immense, il ne savait plus où donner de la tête et encore , il n’était pas arrivé à destination. Après quelques minutes à scruter dehors il répondit enfin :

     -Je ne suis pas là pour ça , je suis ici pour le travail.

     Le chauffeur haussa un sourcil et le regarda étrangement :

     -Bizarre comme destination . Habituellement les travailleurs étrangers vont plutôt à Ratchaprasong.

    Nathan grinça des dents. Décidément il n’appréciait pas vraiment son chauffeur mais étant quelqu’un de calme et réfléchit, il se dit que ça ne servirait à rien de l’énerver, le voyage n’était déjà pas très agréable.

    -J’y aurais logé avec grand plaisir mais comme tout est allé très vite, j'ai dû m'organiser au dernier moment et mon salaire est plutôt bas, je ne me peux absolument pas me permettre un hôtel dans ce quartier. Donc pour le moment, je dormirais dans un hôtel à Khao San Road le temps de trouver mieux.

    Il eut ensuite un long silence, les grands buildings laissèrent place à des immeubles plus petits et Nathan commença à voir le quartier bonder qui serait dorénavant le sien. Le véhicule se stoppa, Nathan paya la somme indiquée et sortie prendre sa valise . Son souffle se coupa en constatant la rue noire de monde . Il avait bien lu sur plusieurs forums que les nuits à Khao San Road étaient vivantes mais se fit la réflexion qu’avant de l’avoir vu en vrai, on ne pouvait tout simplement pas s'en rendre compte. Il sortit une carte de sa valise, il y avait indiqué d’une croix rouge où se situait son hôtel. Elle était plutôt approximative mais parlant la langue, il trouverait bien une bonne âme pour l’aider. Il se mit en route et se faufila comme il pouvait au milieu de la foule. C’était impressionnant: des restaurants, des bars, des vendeurs de rue à foison et quand on levait les yeux, il y avait des panneaux lumineux de partout, on ne voyait presque plus le ciel . D’un coup, une odeur désagréable lui titilla les narines. Un mélange de fumets de viandes, de poissons, de fritures et à coup sûr de plats totalement inconnus pour Nathan qui se fit la remarque que séparément, tout devait sentir divinement bon mais que mixé, ça ne plaisait pas vraiment à son estomac encore malade de la nourriture servie dans l’avion. Il avait un système digestif assez fragile et il se rendait bien compte que cela allait prendre du temps avant de s’habituer à cette nourriture complètement différente de la sienne, les röstis et fondues au fromage étaient bien loin. Il ne prit même pas la peine de s’arrêter pour voir si éventuellement il trouverait quelques choses qui plairaient à ses papilles et chercha directement son hôtel qu’il n’eut aucune peine à trouver car une immense enseigne orange avec le nom de ce dernier clignotait . Il pénétra dans l’allée, se dirigea vers l’ascenseur mais celui-ci ne fonctionnait pas mais en vue de la devanture du bâtiment, ça n’était pas étonnant. Arrivé au bon endroit, il poussa une porte qui grinça si fort qu’il sursauta de surprise et tomba sur une toute petite mamie qui essayait tant bien que mal de changer une ampoule mais même avec un escabeau, elle restait trop petite. En entendant le bruit, elle baissa les yeux et souris . Il lui manquait pas mal de dents et pour ce qui lui en restait, ça n’était pas très jolie à voir. Tout comme le chauffeur un peu plus tôt, elle le salua en anglais :

    -Je parle thaïlandais madame.

    Il regarda l’ampoule qui ne fonctionnait plus au plafond puis celle qui devait être neuve dans la main de la vieille dame :

    -Si vous voulez, je peux vous aider .

    Elle descendit les quelques marches et lui la tendit sans attendre :

    -Merci, c’est très gentil. J’espère que ça ne vous dérange pas, vous êtes un client. Je ne devrais pas accepter mais je suis si petite et le plafond si haut.

    Elle rigola d’un rire franc ce qui mit Nathan de bonne humeur :

    -Ne vous inquiétez pas. Si je ne l’avais pas voulu, j’aurais fait comme si je n’avais rien vu.

    Il lui fit un clin d’oeil charmeur , escalada l’escabeau et pendant qu’il devisait l’ampoule il continua de parler :

    -J’ai une réservation au nom de Nathan Beuchat pour deux semaines.

    Elle se dirigea vers un vieux bureau en bois qui avait clairement vécu déjà plusieurs décennies et en sortir un classeur très usé. Elle tourna les pages et comme cela prit du temps, Nathan cru que sa réservation n’avait pas été pris en compte, ses mains étaient devenues toutes moite et l’ampoule faillit lui glisser des doigts. Il soupira de soulagement quand il l’entendit enfin lui parler :

    -Ha oui , juste ici !

    Le jeune homme la rejoignit et lui tendit l’ampoule qui avait, en vue de sa couleur brune, grillé :

    -Il faut régler maintenant pour les deux semaines .

    -Est-ce possible de demander de rester plus longtemps si jamais ?

    Elle quitta des yeux son classeur et dit d’une voix enjouer :

    -Bien sûr, et si y a personne je te laisse même louer tout l’hôtel. À cette période de l’année y'a par énormément de monde donc si tu demandes quelques jours avant, ça devrait être bon . Par contre , pas de filles ici !

    Il hocha la tête tout en lui tendant des billets .Elle lui rendit sa monnaie, lui passa la clef de sa chambre et sortie en même temps une bouteille de soda:

    -C’est pour le service, merci encore.

    -Aucun souci, demandez-moi si vous avez encore besoin d’aide.

    Nathan récupéra sa valise qu’il avait abandonnée à l’entrée et se dirigea vers les escaliers car sa chambre était un étage plus haut. Il remarqua que tout était vieux et usé, certains meubles étaient presque en ruine mais étonnamment, tout était très propre. Il posa un pied sur la première marche en bois qui craqua très fort, puis la suivante qui était selon lui encore plus bruyante et il préféra ne pas écouter la troisième . Il croisa au passage en couple qui parlait anglais et qu’il salua d’un hochement de tête avant de tourner à gauche en haut des escaliers. Sa chambre se situait toute au fond du couloir . Il enfonça la clef dans la serrure mais n’arrivait pas à ouvrir la porte , il avait beau essayer de la tourner dans tous les sens rien ne se passait et soudainement, il entendit une voix virile derrière lui :

    -Toutes les portes sont comme ça ici, force un peu et ça devrait le faire . Bon séjour !

    Et l’homme disparu aussi vite qu’il était apparu, c’était apparemment son voisin de palier. Il fit comme il lui avait indiqué et après une longue bataille de plusieurs minutes, Nathan put enfin rentrer dans sa chambre. Il laissa sa valise dans un coin et sans prendre le temps de se changer, il s’allongea dans le lit. Au moment de poser sa tête il entendit une latte craquer sous son poids. Il éclata alors d’un rire si bruyant qu’il remplit instantanément toute la pièce. Il était dans un hôtel miteux avec un lit pourri mais au moins, il était loin de chez lui.

     


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